
Le bouillon est un produit à haute valeur nutritionnelle et la base d’un grand nombre de préparations. Il offre en outre l’opportunité de réduire au maximum les pertes alimentaires. Néanmoins, il ne bénéficie pas de toute l’attention qu’il mérite. A Anvers, une entrepreneuse change la donne.
Dans un lointain passé, figurait parmi les boissons chaudes proposées dans tel ou tel établissement horeca, le bouillon (Oxo). Aujourd’hui, le breuvage n’y surgit que très rarement. Mais l’apparition des bars à bouillon pourrait-elle changer le cours des choses? Servant tout au long de la journée des bouillons nourrissants et réconfortants, ils sont le pendant des cafés-bars.
C’est en septembre 2018 que Karin Nuñez De Fleurquin inaugure à Anvers sans doute le premier bar à bouillon sur notre sol: Caldo. A cette époque, l’établissement est localisé sur le site de PAKT, le hot spot tout près du Groen Kwartier, un pool d’entreprises, de bars et de tavernes qui rivalisent de créativité et d’inventivité écologique. Quelques mois plus tard, Caldo quitte les lieux pour investir Pixel, partie intégrante du Musée de la Photo d’Anvers Fomu. Nuñez De Fleurquin nous accueille dans sa nouvelle base d’opérations, le 2 avril, à l’aube de sa première journée d’exploitation. Sur la carte, le client trouve, outre divers types de bouillon, des plats à base de son bouillon : “Il m’importe de démontrer qu’un bon bouillon constitue la base d’une bonne cuisine. Il est à même de hausser à un niveau supérieur les potages, les sauces et les plats mijotés. Un bouillon bien relevé, c’est le cœur d’un bon mets.”
Les trois bouillons de Caldo: ‘vegan’, ‘beef’ et ‘chicken’.
En trois phases
Le bouillon concocté par l’Anversoise a fait l’objet d’une cuisson lente et douce: “Je le réalise en trois phases. D’abord, je fais un bouillon des os et des carcasses auxquels sont attachés des restes de viande, le tout plongé dans des marmites d’une contenance de 75l d’eau, de vinaigre de cidre de pommes. J’ajoute très peu de sel. Le vinaigre de cidre de pommes stimule l’extraction des minéraux des os. Pour 75 l, j’utilise 4 cuillers à soupe rases de sel marin. Un minimum, vu que je souhaite un bouillon pauvre en sel et pour que les clients puissent choisir en fonction de leurs préférences personnelles : soja, sel de céleri ou pas de sel du tout… Notamment durant les premières heures, j’écume régulièrement la graisse et les impuretés qui surnagent, afin que le bouillon demeure clair. Dans une deuxième phase, j’ajoute les légumes de saison :poireaux ou carottes et enfin sont additionnés les condiments : romarin, thym, origan ou gingembre. En fin de cuisson, pour qu’ils gardent tout leur goût. Dans ma cuisine, j’exclus les allergènes, en me basant sur une mauvaise expérience que j’ai vécue avec mon fils cadet qui est sujet à quelques allergies. Dès lors, certains ingrédients n’entrent jamais dans mes préparations: les oignons, les tomates, le céleri. Les oignons, par exemple, donnent du goût certes, mais bon nombre de personnes sont incommodées par une sensation de ballonnement, après les avoir consommés.”
Ici, les bouillons mijotent durant 12 à 20 heures. “C’est le temps qu’il faut pour extraire toutes les substances nutritionnelles des os et de la viande; pour le bouillon de bœuf, il faut de 18 à 20 heures, pour le bouillon de poulet, 12 heures.”
En fin de cuisson, le bouillon (ou le fond) est réduit presque de moitié.
Les ingrédients
Nuñez De Fleurquin s’approvisionne d’os et de carcasses chez des fournisseurs du quartier: “Ce sont des détaillants très fiables qui me procurent des ingrédients bio. Du reste, mon bouillon de poulet est bio ét halal. Quant aux poulets, je suis allée me rendre compte de la manière dont ils sont abattus, afin d’être dûment informée de leur origine et du bien-être animal. Même si mon établissement et mes produits ne sont pas certifiés bio, la très grande part des légumes qui entrent dans mes bouillons sont d’origine bio. ”
Chaque bol est accompagné d’une carton où sont listés les ingrédients. La gestionnaire y dévoile sa prédilection pour la cuisine asiatique. “Mon broth vegan est fait de miso blanc, de chou frisé, de chou frisé violet, de wakamé, de soja tamari, de gingembre, de curcuma et d’échalote, tandis que dans le bouillon de poulet entrent la citronnelle, le gingembre, le thym, le romarin, et l’origan. Et enfin, le panais, la carotte, le poireau, l’ail, une pincée de sel, quelques brindilles de thym et de romarin sont les ingrédients essentiels du bouillon de bœuf.”
Du nouveau!
Nuñez De Fleurquin déborde d’idées et dans quelques mois, un quatrième bouillon viendra élargir sa gamme: un bouillon à base de poisson. “Un bouillon au poisson peut se révéler délicieux,” assure-t-elle. “Je suis sur le point de finaliser une recette en coopération avec un chef étoilé. En effet, préparer un bon bouillon de poisson exige pas mal de savoir-faire. Mieux vaut ne pas faire cuire trop longtemps certains poissons, car ils dégagent des substances indésirables, le cas échéant. Comme je me trouve encore dans un stade préliminaire où je m’applique à saisir les détails à ce sujet, je m’abstiens de donner ici des exemples concrets. ”
Une autre idée est de confectionner des croquettes de viande à partir de la viande qui a servi à élaborer le bouillon de bœuf. “Je m’intéresse également aux bouillons d’autrefois, tel le bouillon de pigeon, de gibier…ainsi qu’à l’univers de la cuisine asiatique, comment ils s’y prennent pour réaliser leurs bouillons. Le bouillon de porc est très présent dans la gastronomie orientale : à prévoir coûte que coûte dans la gamme. Je veux aussi consacrer du temps et des efforts à des événements. Ainsi, je suis invitée au festival We Can Dance, prévu au mois d’août à Zeebruges, sur la plage. Je saisirai l’occasion d’ étrenner deux préparations de bouillon, froides. L’une avec de d’alcool, l’autre sans. Toutes deux s’inspirent de préparations originaires de mon pays natal, le Pérou. De l’alcool dans le bouillon? C’est assez courant. Au Japon, par exemple, le saké est parfois ajouté pour en relever le goût.
Rien ne se perd
“Plus la quantité de bouillon préparé à base de restants d’os et de viande est importante, moins il y a perte alimentaire,” poursuit Nuñez De Fleurquin. “Vous préparez un osso buco? Conservez les os au congélateur et transformez-les en bouillon, ultérieurement. Quand bien même vous n’auriez que 6 à 7 heures pour les faire mijoter, ils constitueront une excellente base de potage, par exemple. Dans ce cas, vous aurez mis à profit l’animal dans sa globalité, en signe de respect. Ce qui vous permet en outre, de limiter la viande, au moins pour un jour.”
Puisque dans les bouillons rien ne se perd et que tout se transforme, l’on comprend pourquoi ils étaient et sont si populaires dans les régions où l’économie ménagère est une évidence: “Le bouillon est particulièrement populaire en Asie et en Amérique latine. Et n’était-ce pas la coutume chez nos grand’mères d’avoir quasi en permanence un bouillon sur le feu ?”
Nostalgie et environnement
Nuñez De Fleurquin est convaincue: la tendance est au bouillon. “Il est des périodes où les humains sont charmés par ce qui réfère aux traditions d’autrefois, d’autres où ils sont attirés plutôt par la technologie. Je présume que nous vivons à une époque où le traditionnel l’emporte. Le bouillon cadre parfaitement dans le retour à la cuisine traditionnelle comme culte du passé. Mais il y a plus que ce penchant pour l’ancien temps. Nous assistons en outre à une sensibilisation croissante à l’environnement, incluant la tendance à réduire les déchets alimentaires. Le phénomène ‘bouillon’ s’inscrit lui aussi parfaitement dans cette démarche.”
auteur: Koen Vandepopuliere & photos: Caldo – Koen Vandepopuliere
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