Changement climatique : le vignoble bordelais adapte ses pratiques et innove

A Bordeaux, comme dans d’autres régions viticoles, le climat met au défi les vignerons. Ils ont déjà fait évoluer leurs pratiques à la vigne comme au chai et innovent pour continuer à proposer des vins de qualité, équilibrés et aromatiques. Au-delà de ces mesures d’adaptation, la filière des vins de Bordeaux anticipe et repense le vignoble pour préparer demain. Elle est vigilante sur son empreinte carbone et poursuit ses actions pour tendre vers la neutralité. Chaque année, la filière des vins de Bordeaux investit 1,2 million d’euros dans la recherche, élément incontournable pour garantir la pérennité du vignoble bordelais.

Le climat : un paramètre majeur de réussite

La qualité d’un vin est particulièrement dépendante du climat et de l’environnement en ce qui concerne les notions de millésime et de terroir. Les viticulteurs ont déjà observé et subi des effets du changement climatique : gel tardif, hausse des températures moyennes… Ces modifications impactent la vigne et le vin :

  • effet millésime prononcé ;
  • cycle végétatif plus court ;
  • récoltes plus précoces (environ 20 jours plus tôt ces 30 dernières années) ;
  • augmentation du taux d’alcool ;
  • diminution de l’acidité du vin ;
  • modification des arômes.

Les vignerons adaptent leurs pratiques. Les vins de Bordeaux ont déployé des stratégies à court et long terme afin d’accompagner toute la filière face au changement climatique.

ADAPTER LES PRATIQUES

Les stratégies d’adaptation entrent en jeu à chaque millésime ou lors de chaque plantation :

  • retarder la date de taille pour retarder le cycle végétatif (et ainsi tenter d’éviter des gelées délétères tardives notamment) ;
  • augmenter la hauteur du tronc de vigne pour réduire la surface foliaire (et ainsi éviter la production de sucre et donc d’alcool) ;
  • limiter l’effeuillage pour protéger les raisins du soleil ;
  • adapter la date de récolte et récolter la nuit pour protéger les arômes des raisins ;

et à plus long terme :

  • choisir des cépages plus tardifs et des porte-greffes plus résistants au stress hydrique ;
  • repenser les emplacements des parcelles (pour profiter des terrains avec plus de fraîcheur).

ADAPTER LE MATÉRIEL VÉGÉTAL

Dans le vignoble bordelais, les cahiers des charges des AOC autorisent 6 cépages noirs (cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot, malbec, carménère, petit verdot) et 8 cépages blancs (sémillon, sauvignon blanc, sauvignon gris, muscadelle, colombard, ugni blanc, merlot blanc et mauzac).

Choisir et renouveler le matériel végétal est un engagement à long terme : une parcelle est plantée pour plusieurs décennies. Le choix du cépage est un compromis entre les attentes du vigneron (profil aromatique du vin, couleur…) et des notions de terroir (sol et climat notamment).

L’utilisation de certains cépages tardifs peut s’avérer un atout pour atténuer les conséquences du changement climatique. C’est ainsi que des variétés anciennes regagnent du terrain. Les vignerons

replantent d’anciens cépages bordelais qui avaient été peu à peu délaissés car trop exigeants à cultiver. C’est le cas du petit verdot. Ce cépage, plus tardif bien adapté au changement climatique, regagne de la popularité auprès des vignerons. En 10 ans, sa surface a été multipliée par deux dans le vignoble bordelais.

En plus des cépages autorisés par les cahiers des charges des AOC, la proposition de nouveaux cépages issus du programme Vitadapt a offert un levier d’adaptation supplémentaire aux vignerons de Bordeaux.

Vitadapt est un programme scientifique mené depuis 2017 par l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) à Bordeaux. Il consiste à étudier, au sein du vignoble bordelais, le comportement et la capacité d’adaptation de 52 cépages du monde entier face au réchauffement climatique. Ces travaux scientifiques ont conduit à sélectionner 6 nouveaux cépages adaptés aux conditions et besoins du vignoble de Bordeaux.

Le 1er avril 2021, l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) a officiellement approuvé l’utilisation de quatre nouveaux cépages rouges et deux nouveaux cépages blancs pour les AOC Bordeaux Supérieur et Bordeaux (blanc, rouge et rosé). Bordeaux devient ainsi est l’un des pionniers dans l’intégration de ces cépages nommés “variétés d’intérêt à fin d’adaptation » (au changement climatique).

Les quatre cépages rouges sont l’arinarnoa, le castets, le marselan et le touriga nacional et les deux blancs sontl’alvarinho et le liliorila.

Les variétés (ou cépages) approuvées ont pour qualités d’être plus tardifs, d’avoir une capacité de résistance au stress hydrique (hausse de température et baisse de pluviométrie), d’avoir une moindre sensibilité aux maladies et des profils aromatiques proches des cépages bordelais actuels.

Ce catalogue élargi de cépages est aussi une opportunité pour les vignerons : il leur permet de développer de nouveaux assemblages et de diversifier le matériel végétal (biodiversité) présent sur le territoire.

Ces six cépages bordelais complémentaires sont limités à 5% de la superficie plantée du vignoble et ne peuvent pas représenter plus de 10% de l’assemblage final d’un vin. Conformément aux réglementations légales en matière d’étiquetage, ils n’apparaîtront pas sur les étiquettes de Bordeaux.

Cette expérience sera menée pendant 10 ans par les vignerons et sera renouvelable pour une période de 10 ans. L’introduction de ces nouveaux cépages ne va bouleverser ni le profil ni la qualité des vins de Bordeaux. Ils vont au contraire permettre aux vins de Bordeaux de maintenir leur fraîcheur, leur acidité et leurs arômes en contrant les effets négatifs du réchauffement climatique (plus d’alcool, plus de lourdeur, moins d’arômes et d’acidité, des couleurs modifiées). Son objectif est d’accompagner le changement climatique plutôt que le subir.

LA FILIERE DES VINS DE BORDEAUX PARTICIPE A REDUIRE SON IMPACT CARBONE

Afin de participer à limiter l’augmentation moyenne de la température, la filière viticole bordelaise s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

En 2019, son bilan carbone était de 587 000 tonnes CO2eq. :

  • l’énergie (ex : fioul pour les engins agricoles) = 47% des émissions
  • les matières entrantes (plastique, verre, produits œnologiques, etc.) =  34%
  • le fret (routier, maritime, etc.) = 19%

De nombreuses actions (collectives et individuelles) ont été mises en œuvre sur le terrain pour atténuer le bilan carbone. Les vignerons et négociants bordelais modifient leurs pratiques, leurs achats ou leurs activités pour réduire leur empreinte carbone.

Quelques exemples concrets d’atténuation :

  • coopération avec les verriers pour réduire le poids des bouteilles ; recyclage du verre; remplacement des caisses en bois par du carton ;
  • chais écologiques construits avec des matériaux locaux offrants une bonne inertie thermique et économes en consommation d’électricité, collecte des eaux de pluie; compostage des sarments; actions de collecte et de recyclage des déchets ;
  • covoiturage, transports collectifs entre le domicile et le lieu de travail.

La séquestration du carbone est un autre outil visant à diminuer le bilan carbone de la filière viticole et à viser la neutralité carbone. La séquestration naturelle peut être améliorée grâce au développement de l’agroécologie (plantation d’arbres – qui stockent le carbone -, haies, jachères fleuries, couverts végétaux – réservoir de biodiversité favorable à la vigne – et agro pastoralisme).

Outre ces différentes actions concrètes de nature agricole, la filière des vins de Bordeaux s’appuie aussi sur des innovations technologiques. Un exemple : des châteaux récupèrent le CO2 produit lors des fermentations pour le transformer en bicarbonate de soude. Issu d’un produit naturel, non toxique et biodégradable, le bicarbonate de soude est utilisé dans les filières agroalimentaires, pharmacie, cosmétique et environnement.

BORDEAUX CULTIVONS DEMAIN Ces engagements vis-à-vis du climat font partie intégrante de la politique de responsabilité sociétale des entreprises bordelaises (RSE). Depuis cette année, les entreprises viticoles sont stimulées par la mise en place de « Bordeaux Cultivons Demain », une démarche collective pour l’ensemble des acteurs des vins de Bordeaux.

En embrassant les principes de RSE, la filière viticole entend pleinement assumer son rôle : assurer la pérennité du tissu économique local tout en répondant aux exigences sociales, sociétales et environnementales des consommateurs comme de ses salariés, fournisseurs et partenaires.

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